テイルズ オブ ジ アビス
TALES OF THE ABYSS
Sortie : Décembre 2005
Plate-forme : Playstation 2
Producteur / éditeur : Namco
Prix de vente (marché natif) : 7,140円
Genre : RPG japonais bien japonais et bien classique. Si vous avez un début de rédhibition pour la culture pop japonaise ou pour le RPG japonais comme genre, fuyez, loin, très loin. Si vous êtes curieux de savoir ce que le genre peut produire de bien même dans ce qu'il a de plus classique voire nauséabond, poursuivez cette lecture.
Le moment où le J-RPG dans ce qu'il a de plus classique présente aussi ce qu'il a de mieux.
C'est pour moi très difficile de parler de Tales of the Abyss, surtout pour moi qui ai à cœur de demeurer le plus raisonnable et objectif possible dans l'analyse vidéoludique. Oh, naturellement : l'impératif ici « d'objectivité » n'est pas à prendre tel quel (car, au fond, et je renverrais ici à la Critique de la Faculté de Juger de Kant, toute forme de jugement est une harmonie de subjectivité et d'objectivité, et une objectivité totale est une contradiction) non, je parle d'objectivité plus au sens de l'abstraction : prendre un élément, le dépouiller de ses attributs, voir ce qu'il est, ce qu'il exprime, ce qu'il nous dit, tout en étant nécessairement imparfait, partiel par rapport à nos capacités limités de jugement, et, naturellement, toujours porté par une part irréductible de passion du fait de l'objet même choisi pour étude. Et Tales of the Abyss est un jeu délicat à traiter, même si cela pourrait surprendre. Déjà car c'est un jeu, et je le regrette, qui fait partie de ce que je considère devoir être vraiment une des séries les plus tristement idéal-typiques de ce qu'est le RPG japonais au sens le plus archétypal, voir cliché, et de ce qu'on peut lui reprocher de bon droit ; en outre, ce jeu a été abondamment joué par une communauté d'otaku qui l'ont rendu célèbre, mais peut-être hélas pas toujours pour les bonnes raisons, sans parler du marketing autour de l'adaptation en anime qui ont fait que beaucoup de gens de ce public ont connu le jeu par ce biais, sachant que ça reste tout de même un abâtardissement du jeu originel.
Enfin, car nous soutenons que malgré tout, ce qui fait la qualité du titre que nous allons aborder aujourd'hui, c'est sa qualité aussi bien de jeu rentrant le plus fermement dans les codes les plus clichés et les plus installés du genre, réussissant malgré tout à les exprimer si excellement et à raconter son histoire avec tant de talent, qu'il en finit par devenir, certes toujours une expression idéal typique du RPG japonais, mais dans ce qu'il a de réellement meilleur, si bien que je n'hésite pas à dire que dans ce que le RPG japonais a de classique, Tales of the Abyss, nous pouvons le dire d'entrée de jeu, est ce que je pourrais le mieux conseiller : il est amusant, drôle, intéressant, son scénario est complexe et ses personnages attachants, et il regorge de petites références qui font le charme des RPG japonais (même si souvent trop prompts à faire gratuitement référence à tel ou tel philosophe, telle ou telle mythologie occidentale, telle ou telle période de l'histoire, toujours folklorisée et à fin d'exotisme, toujours rendue à un amusement charmant et à un décalage pour lequel on reconnaît les Japonais et leur talent à la narration, notamment vidéoludique, avec ce peu de souci pour l'exactitude ou la vérité des assertions, pourtant si fondamentaux chez nous, et source de liberté chez eux.) Tales of the Abyss comme d'autres s'y essaie, s'amuse, et nous offre une cosmologie aux accents légèrement leibniziens, par l'homologie qu'il pose entre l'Univers et la Symphonie, même s'il n'en a pas conscience (mais nous allons nous amuser à insister sur ces analogies, plus par plaisir qu'autre chose). C'est un récit charmant, un récit de la pensée, bien plus profond que tout ce que la série des Tales of, dont nous allons rapidement parlé, a bien pu proposer, et tout en étant bel et bien typique et intégré à la série. Sans doute, cette excellence des formes tout en étant intégré à ce que cette série a de plus classique et adapté au public otaku, a pu expliquer comment le jeu a rapidement eu une très forte reconnaissance dans ces milieux, dont les gens ne sont pas plus bêtes que les autres et savent bien reconnaître quand une histoire se démarque des autres.
Toujours est-il que ça n'est pas chose vaine que d'en parler, ça peut intéresser des gens.
Tales of quoi ?
Il serait habile de commencer cette présentation par une explication de ce qu'est, exactement, la série Tales of. Si vous êtes un joueur aguerri, vous connaissez naturellement déjà cette série, avez le plus probablement déjà un avis bien tranché dessus par un ou deux épisodes auxquels vous auriez joué, et par conséquent ce chapitre ne vous apprendra strictement rien que vous ne sachiez déjà, et vous pouvez sauter à la prochaine partie ; si par contre vous êtes profane de la série, ou simplement curieux, je pense cette introduction nécessaire pour bien comprendre ce qu'est, exactement, Tales of the Abyss, et ce qui le rend ou ne le rend pas particulier.
Tales of Symphonia (2003), un jeu qui connut un succès phénoménal en occident, et parmi les meilleurs représentants du genre J-RPG – le seul Tales Of a avoir vraiment marché chez nous.
La série Tales of est une série qui a connu une explosion de popularité en occident depuis la sortie, en 2004, de Tales of Symphonia hors du Japon, qui fut l'un des JRPG les plus vendus en Occident non seulement de la Nintendo Gamecube (non pas qu'elle en ait beaucoup d'autres...), mais de toute cette époque en général. Il bénéficiait en plus d'une traduction française de qualité, qui permettait au jeune joueur français d'enfin connaître ce qu'est un RPG bien japonais, écrit dans une langue correcte et traduisant conformément le ton et la qualité littéraire du jeu original au Japon, au lieu des blagues que l'on avait dû précédemment se farcir dans la catégorie « traductions du désastre » (de Secret of Mana à Final Fantasy VII, voire même encore Suikoden II, l'histoire du sacrifice du joueur occidental sur l'autel de la traduction de merde adressée aux enfants par principe illettrés a eu le dos dur). Après quoi, la série Tales of décolla dans sa popularité, et devint vite une des séries par excellence des passionnés de J-RPG chez nous, puisqu'essentiellement connue par les otaku ou les passionnés de ce genre de jeu chez nous, même s'il s'agit nous allons le voir d'une vraie série grand public et d'une institution au Japon là où il est né. En fait, quand bien même le joueur fût-il un profane, je doute qu'il n'ait, sinon joué, au moins entendu parlé de Tales of Symphonia – il est cependant plus douteux qu'il ait entendu parlé d'un autre jeu de la série, qui s'est vite « renichifiée » si l'on m'autorise l'expression, notamment car l'expression ouvertement manga des personnages et du scénario de la série, et l'ambiance profondément ancrée dans la pop-culture japonaise, a pu rebuter plus d'une personne qui n'était pas ouverte à ce type de jeu ; on est cependant très loin de jeux vraiment inaccessibles à un public non-otaku comme les jeux Nippon Ichi ou Gust, et j'ai tendance à considérer que les Tales Of sont l'excellent équilibre entre un jeu à public cible grand public, et à base culturelle nonobstant fidèle à l'univers otaku, faisant que n'importe qui peut y jouer et y trouver un égal plaisir pour peu qu'il y trouve des points qui lui plaisent, dans le scénario, la jouabilité, l'histoire, les personnages ou l'ambiance.
La série Tales Of a toujours été erratique et jamais très exactement située sur cette même courbe. Au fond, cette série, que l'on a souvent comparé à ces « séries usines » sans saveur ou à ces séries de manga de dizaines de volumes ne finissant jamais, produits en série, du fait de la sortie annuelle de ses jeux, cette série possède une sorte de balancement perpétuel au niveau de son public et de son ton : à chaque épisode, au bonheur des dames, c'est tantôt tout à fait grand public et créant des univers à portée universelle, juste tendant à un style manga-shônen très marqué, tantôt totalement parti vers un public niche otaku, avec des clichés féminins à la limite du scandale et des personnages tellement stéréotypés que l'on prévoit cinq ou six lignes à l'avance leurs répliques. Ce balancement est aussi dû au fait que la série Tales Of n'est pas le fait que d'une équipe, mais de deux équipes principales, plus une série d'équipes annexes : il y a une « équipe principale » qui s'occupe des épisodes « majeurs » qui prennent plusieurs années de développement et visent le grand public, et une « équipe secondaire » produisant plus rapidement ses jeux, s'adressant à un public plus niche, et dont les jeux sont souvent moins grandiloquents mais possèdent un autre type de charme. Il y a enfin une série d'épisodes qui ne rentrent dans le cadre d'aucune des deux équipes, et qui sont souvent des spin-off sans importances. Ainsi, dans le cadre 1, l'on fait rentrer Tales of Symphonia, Tales of The Abyss et Tales of Vesperia, plus récemment Tales of Xillia ; et de l'autre, on tire Tales of Eternia, Tales of Destiny 1 & 2, Tales of Rebirth, Tales of Grace, etc.... tout en retenant qu'il n'y a aucune règle absolue à la qualité de ces titres, et que parfois, l'équipe 1 peut produire un jeu franchement moyen (cas de Tales of Vesperia par exemple), et l'équipe 2 surprendre tout le monde en produisant un jeu excellent au ton plus mature que d'habitude (cas de Tales of Rebirth), et que les grosses têtes de projet, comme Yoshizumi Makoto dont nous allons parler, sont de toute façon toujours là d'un jeu à l'autre.
Tales of Vesperia (2008, , à gauche), un jeu très beau qui fut aussi très coûteux, mais n'ayant rien de particulièrement extraordinaire, et Tales of Rebirth (2004, à droite), dont le ton est moins léger que d'habitude dans la série, thématisant notamment le racisme entre deux espèces dans l'univers du jeu avec sérieux. Tales of Rebirth n'est sorti qu'au Japon.
Quel est l'origine de la série Tales of ? Eh bien, elle réside en un jeu qui devait être le point de départ de la série, et un des plus grands RPG de la SNES, en tout cas au niveau de l'ambition : Tales of Phantasia. Développé et financé par le studio Namco, le même qui doit sa fortune à Pac-man, il s'agissait d'un projet ambitieux de créer un RPG mélangeant un univers heroic-fantasy avec un style manga-shônen très prononcé, où les personnages auraient plus de personnalité que ça n'était à l'accoutumé en ce temps, et un système de combat très dynamique qui permettrait de rendre cette identité manga où le joueur serait vraiment aux prises avec les ennemis, sans quitter l'identité RPG du titre.
Projet très ambitieux et mobilisateur, il fut un tel succès dans son pays d'origine (bien qu'il ne sortit jamais en occident, du moins dans sa version d'origine) qu'il donna suite à la très pléthorique série que nous connaissons. Si Tales of Phantasia reste encore cité comme l'un des plus gros RPG de la Super Famicom, il est clair cependant que, à mesure que la série s'est installée, elle s'est reposée sur ses acquis et a de moins en moins innové, se contentant fondamentalement de reprendre et d'améliorer l'originalité du concept de Tales of Phantasia pour le système de combat, et tout ce qu'il y a de clichés et d'humour potache des manga pour la personnalité et le caractère des personnages, avec un scénario global tournant toujours autour de sauver le monde, sans grande surprise, ni forcément de justifications très crédibles aux ambitions de l'antagoniste – une suite sans grandeur à certaines égards, mais à exceptions prêtes cependant, exceptions que nous avons déjà citées, et qui se démarquent du lot.
Avant de poursuivre, il faut clarifier une chose : bien que l'on qualifie souvent la série Tales of de « série de niche », il faut bien observer qu'au Japon, c'est une institution, en tienne pour preuve la cadence soutenue des sorties là-bas (plus d'un jeu par an). Si évidemment la grande majorité des productions y sont médiocres, pour quelques-uns qui sortent du lot, il convient malgré tout de tenir cet élément à l'esprit : Tales of est, en contexte de production, tout sauf une série quelconque. C'est une série très populaire, dont la qualité est variable selon les épisodes (nombreux) et les périodes, et dont les équipes de production ne sont pas les mêmes selon les épisodes, exigeant de faire des catégorisations internes au sein même de la série qui est tout sauf homogène. C'est aussi pour cela que je me permets un avertissement : si vous avez un jugement préalable sur la série, pour avoir joué à un ou deux de ses épisodes, ou par ce que vous en lûtes, prenez au moins la peine de mettre ces jugements de côté pour vous intéresser à Tales of the Abyss, car ce dernier, tout en étant bel et bien un épisode finalement très typique de la série, s'en démarque par de nombreux points, et notamment la qualité de son écriture et la complexité (allant presque trop loin) de son scénario. Il ne faut surtout pas s'arrêter, ni au titre, ni à la première impression qu'en donne son aspect extérieur : Tales of the Abyss est un sacré jeu, une (très) grosse histoire, et il peut susciter étonnement et réflexions, ce qui est la condition générale d'un bon scénario – et c'était d'ailleurs, nous le verrons, l'objectif de son créateur. La série Tales of étant une série produite massivement, il est dur de tirer un jugement définitif par un seul épisode – et il faut admettre que pour un océan de médiocrité, il y a quelques perles qui sortent définitivement du lot, et qui n'y sont pas non plus pour rien pour la grande réputation dont a pu jouir la série avec le temps (Tales of the Abyss étant souvent cité dans les des RPG favoris des Japonais notamment, suivant les relevés d'opinions, côtoyant les Dragon Quest III, Final Fantasy IV, Chrono Trigger et autres Romancing SaGa 3).
Si aujourd'hui la série Tales of souffre un peu d'une réputation marquée « roman de gare » au sein des RPG, il faut donc retenir que ça n'a pas toujours été le cas, et qu'au sein de la majorité indistincte de ses produits, il y eut des exceptions notables qu'il faut détacher du reste. Et nous allons nous y essayer maintenant : Tales of the Abyss, en effet, est réellement exceptionnel au sein de la série dont il est issu, si bien que Yoshizumi, son producteur, aura dit de lui des années plus tard à l'occasion du remake sur 3DS qu'il a été le fruit d'une suite de chances conjoncturelles qui tenaient du « miracle ».
En l'an 2000, l'héritier du pouvoir de Lorelei
naîtra à Kimlaska
Il sera l'enfant d'une famille noble, et portera des cheveux rouges
naîtra à Kimlaska
Il sera l'enfant d'une famille noble, et portera des cheveux rouges
Le Tales of des Tales of
Tales of the Abyss n'était pas en soi un jeu quelconque même au moment où sa production a commencé. Il faut se pénétrer du contexte dans lequel sa production a commencé. De même que Tales of Symphonia avait été un très gros projet au sein des studios Namco (ils mobilisèrent beaucoup de monde pour créer, à cet effet spécialement, le fameux Tales of Studio), Tales of Symphonia étant pensé comme la suite de Tales of Phantasia et devant se montrer à la hauteur de son modèle, Tales of the Abyss, lui, produit par la même équipe de Tales of Symphonia qui, venant tout juste de terminer ce projet avec un succès phénoménal, reste au poste pour produire un nouvel épisode, est tout aussi ambitieux, avec un horizon plus lointain encore en vue : il doit sortir pour le dixième anniversaire de la série, et donc, se montrer, lui aussi, à la hauteur. Alors là, le premier élément du « miracle » se met en route : pour l'occasion, Namco est fort peu regardant sur la note. Et comme Yoshizumi, le producteur en chef, a déjà un bon passé dans la série et a été le créateur du succès total qu'a été Tales of Symphonia, on lui donne carte libre.
Yoshizumi Makoto, le créateur de Tales of the Abyss
「小説や映画、音楽がそうであるように、人生にインパクトを与えるもの」と定義。「ゲームは消費す るだけ、時間の無駄だといまだに思われていますが、映画を観たり本を読むことは人生観を広げるものと捉えられていますよね。ゲームもそうであるべきです し、そういうものを作りたいと思っています」 – 吉積
« Les romans, les films et la musique ont un impact sur les gens [à travers l'émotion et les personnages]. Le jeu vidéo est encore considéré comme un pur produit de consommation ou une perte de temps, mais il a le potentiel d'étendre la vue qu'on a sur l'existence tout comme le fait de voir un film ou de lire un livre. Et car les jeux devraient être comme cela, je crois vouloir faire ce genre de choses. » – Yoshizumi Makoto, en 2006
Un moment est nécessaire pour parler de Yoshizumi Makoto. Makoto est un type assez notable dans le milieu de la production vidéoludique, car tout en revendiquant de vouloir faire des jeux faisant passer de l'émotion et de la réflexion à travers des personnages travaillés et des thèmes qu'il veut toujours rattacher, directement ou indirectement, au présent, il demeure également un commercial assumé – et ça n'est pas un hasard si « sa » série est devenue également une grosse machine à marketing, tout en continuant à produire des jeux parfois excellents et au niveau de ses prétentions.
Yoshizumi, comme souvent, n'avait pas le profil du ludoconcepteur. Il est arrivé à Namco pour faire du business, et c'est ce qu'il fit : il était Sales Promoter, chargé de la promotion des jeux. L'essentiel de son boulot était donc de la publicité : il s'occupait de faire les spots publicitaires, de vérifier quel élément du jeu il fallait mettre en avant, qu'est-ce qui était vendeur, il s’immisçait aussi dans le choix des doubleurs (les fameux Seiyuu japonais, qui sont souvent idolâtrés comme des acteurs et donc une part non-négligeable du marketing d'un produit)... mais comme il le raconte lui-même, ce dernier aimait tellement son boulot et il était tellement dissert avec ses patrons avec ses remarques sur « comment il fallait faire les choses » (typiquement, il trouvait Tales of Phantasia dont il faisait la promotion excellent mais considérait qu'il y manquait des choses) que, à la fin, ses patrons lui ont juste dit : « bon, vu que tu sais tout, t'as qu'a les faire, les jeux ». C'est comme ça qu'il s'est retrouvé à faire les petits spin-off promotionnels Nanikiri Dungeon comme premier jeu, puis à partir de là, la grosse promotion puisqu'il est devenu le producteur en chef de toute la série à partir de Tales of Destiny II jusqu'à Tales of Tempest inclus – après quoi, il se repose au titre de Executive Producer (donc celui qui valide les décisions plus qu'il ne les prend, en somme...) et laisse la série aux jeunes. C'est donc à lui qu'on doit notamment les trois Tales Of souvent considérés parmi les meilleurs (Tales of Symphonia, Tales of Rebirth et Tales of the Abyss, coup sur coup), et aussi le « tournant » de la série vers un recentrage dans l'hyperscénarisation, le développement centré sur les personnages et la dramatisation scénaristique permanente (ce que des jeux comme Tales of Phantasia ou Tales of Eternia annonçaient, mais non aussi poussé). Autant d'éléments qui vont quand même faire la marque de la série à côté du système de combat, lui déjà bien installé depuis le premier épisode.
Mais fait amusant, qu'il soit venu du milieu de la publicité, il ne s'en est jamais renié, et il admet adorer ça. Et dans tout le délire promotionnel qui a également accompagné la série Tales Of et l'a fait passé de petite série sympathique à « monument » du RPG japonais, il faut sans doute également voir sa formation de publicitaire et son sens commercial. Au fond, ça ne doit pas nous choquer : on a bien vu, chez nous, un Jean-Jacques Annaud venir de la publicité pour devenir un des cinéastes français les plus reconnus. Dans les mondes où l'industrie et les appareils de production ont autant d'importance que le jeu vidéo ou le cinéma, le fait de venir du milieu commercial et publicitaire, pour finir par devenir soi-même créateur, n'est pas si inhabituel, et n'est pas non plus forcément un gène à la créativité, puisque ce sont souvent des gens qui savent eux-mêmes d'autant mieux comment manier la chèvre et le chou (comment je rends mon jeu vendeur tout en parvenant à le façonner à l'image de ce que j'ai envie de faire ?). Ainsi, il s'ouvre régulièrement sur combien il aime toujours s'impliquer dans la « présentation » de ses jeux, venir aux castings des Seiiyuu et aux séances de doublage, intimer des ordres, bref, faire un boulot de publicitaire, en marge de la création elle-même. Et l'on s'explique mieux le « hype » Tales Of et l'hyper-promotion de la série qui a développé une grosse niche invincible autour. On s'explique aussi mieux que cela reste souvent des jeux de qualité, car le bonhomme n'est dénué ni d'idées ni d'ambition.
わたしは、自分たちがつくるゲームを“ロールプレイングゲーム(RPG)”だと思っていないんです。
役割を楽しむのではなく、キャラクターを楽しむゲームなんです。
要するに、自分の分身が主人公なのではなく、主人公はちゃんと人格があるキャラクターなので、“キャラクタープレイングゲーム”だと思っています。
« Moi, je ne crois pas que l'on fasse des jeux que l'on pourrait nommer « Jeux de rôle » (RPG). Il ne s'agit pas d'un jeu où l'on s'amuse à jouer un rôle, mais où l'on apprécie les personnages. En soit, je crois que l'on n'incarne pas un personnage principal, mais que le personnage principal a un caractère bien à lui : c'est un « Character Playing Game » » – Yoshizumi (parlant de Tales Of et particulièrement de Tales of the Abyss)
Yoshizumi aime particulièrement crée des jeux dont les personnages ont quelque-chose de « réel ». Ce pourquoi souvent, il favorise des personnages principaux un peu introvertis ou au caractère un peu provocateur, auquel le joueur peut plus facilement s'identifier. Il aime également les nuances, surtout pour les antagonistes : il n'aime pas l'idée d'un « méchant », d'un « mal » manichéen, il trouve plus « réaliste » que les antagonistes aient des raisons bien à eux d'agir comme ils le font, et s'amuse même à dire qu'au fond, c'est comme à la guerre : chaque camp à raison, et ce n'est que celui qui a la gueule la plus grande et qui gagne qui décide qui est ou non le « méchant ». Et il faut admettre que ces antagonistes tout en nuance (au selon bien sûr de l'épisode) sont souvent un charme particulier des Tales Of, et surtout de Tales of the Abyss, qui possède un imbroglio entre les héros et les ennemis suffisamment complexe pour que le joueur finisse par douter de s'il est réellement d'accord ou non avec un camp ou l'autre. Bref, Yoshizumi aime les intrigues qui impliquent le joueur, qui approfondissent des personnages au caractère humain, et, bien sûr, il aime vendre ses produits et il sait comment les vendre. Comment mieux résumer la série Tales Of, son charme et ses limites, son côté otaku parfois insupportable et la qualité de son scénario et de ses personnages, certes variable selon les épisodes ?
Mais Tales of the Abyss, on l'a dit, c'est la suite des « miracles » : de comment la production s'est faite avec relativement peu d'accroches, que ses idées les plus impossibles se sont souvent réalisées sans aucun problème (il raconte notamment comment il s'était mis dans la tête de faire chanter le thème du jeu par le groupe de rock Bump of Chicken, mais s'était juste auto-convaincu qu'il n'arriverait pas à les atteindre... et contre toute attente, ça a très vite fonctionné). En un sens, donc, si il y a bien un jeu qui résume toute l'expérience accumulée par Yoshizumi dans Tales of Symphonia et Tales of Rebirth, et qui en plus se paie le luxe de lui donner les moyens et les facilités d'être fait, c'est bien Tales of the Abyss : et cet « alignement des planètes » comme l'on dit en économie n'a pas peu joué, contextuellement, à la qualité parfois tout à fait surprenante du jeu, indépendamment même de sa série d'origine.
En 2005, enfin, le jeu sort au Japon. Après une production marathon, Tales of the Abyss, qui fut finalement un des projets les plus ambitieux de la série, bénéficie à la fois du savoir-faire de l'équipe de Tales of Symphonia, du ton plus sérieux déjà instauré dans Tales of Rebirth, et, surtout, d'une rigueur dans la production et dans l'écriture singulièrement plus élevée qu'à l'habitude : si l'on retrouve énormément de topoi typiques de la série Tales of, Tales of the Abyss a souvent le goût de les mener à leur sommet, voire parfois, nous le verrons, de les détourner. Tout en étant un Tales of par excellence, Tales of the Abyss donne, à plus d'un titre, souvent l'impression de ne pas être un Tales of, dissonant par le sérieux de son ton, l'absence de certains codes pourtant obligés (les fameux Esprits élémentaires à combattre), et l'aspect austère de son scénario fleuve qui, sans mettre de côté l'aspect relationnel entre les personnages qui a souvent fait le succès de la série, n'hésite pas à mâtiner l'histoire d'éléments métaphysiques parfois un brin complexes et de sous-intrigues, avec des motivations originales derrière les antagonistes : Tales of rencontrant Megaten ? Peut-être pas, non – mais Tales of à l'école de réflexions morales, sur certaines notions universelles (la liberté, la responsabilité, la culpabilité...), peut-être bien oui. Et au fond, tant mieux, ça nous change d'avoir une œuvre grand public qui peut aborder des questions morales sous un aspect moins superficiel.
Dernière édition par Marcelin le Sam 20 Fév - 13:42, édité 2 fois